Cécile Eluard
Cécile Eluard, fille unique de Paul Eluard et de Gala, nous a quittés le 10 août 2016. Elle reste l’inspiratrice des actions de l’Association, dans tous les domaines.
Elle se réjouirait certainement de la grande exposition sur Eluard et Picasso qui a eu lieu d’abord au Musée Picasso de Barcelone (8 novembre – 15 mars 2020) et ensuite cette année au Musée d’art et d’histoire Paul Eluard à Saint-Denis.
Très proche du grand artiste, qui fit d’elle un délicieux portrait aux crayons de couleurs et qu’elle accompagnait aux matchs de boxe, elle fut aussi l’amie de Dominguez, Valentine Hugo, Man Ray, Giacometti et tant d’autres. Elle figure dans plusieurs petits films : l’un écrit et réalisé par Anthony Penrose à partir de ses souvenirs et de nombreux documents. L’autre, très célèbre, tourné pour la première fois en couleur par Man Ray en 1936.
Ce sont des témoignages émouvants dans lesquels on voit la jeune Cécile Eluard que la plupart d’entre nous n’ont pas connue.
Le fil de tendresse humaine entre un père et sa fille
« Dans ce choix …, la sincérité et la sollicitude, charmantes et véritables, de Paul Eluard parlent très clair, sa générosité, si belle et si naïve, si quotidienne, se voit à plein. Mais chacun les connaît qui connaît un peu Eluard. Ce qu’on ne sait pas peut-être – ce que nous soulignerons simplement – c’est combien il fut passionné d’éveiller le sentiment, la passion de la justice, en même temps qu’attentif, ce qui est rare, à enseigner une liberté personnelle intelligente….»
Vendredi, [Vézelay, janvier 1942]
Ma petite fille chérie,
…Aie confiance en toi. A tous les tourments et les doutes qui t’assaillent, à tes cauchemars, oppose la douce assurance que tu aimes, que tu es aimée. Je t’aime en tous cas, tu m’es fraternelle et tu peux avoir confiance en moi. Et il suffit d’avoir confiance en un seul être pour avoir confiance en soi-même. Essaie de pénétrer toujours un peu plus dans le secret, qui n’est qu’apparent, des paroles que tu crois vraies, dans la vie ou dans les livres. Les comprendre te donnera la possibilité d’y répondre. Aie confiance tout est là. En un homme, une femme, un animal, un livre, ta chambre ou le sommeil, tu iras au fond de ta vie et n’en seras pas déçue, tu ne rencontreras pas le vide. Bien sûr, il y a de mauvais moments, mais réagis, tourne-leur le dos et ton printemps intérieur retrouvera ses promesses. Même la vieillesse n’est pas toujours courbée sous le froid nocturne. On ne perd jamais tout, on ne perd peut-être jamais rien.
Il y a dans les Deux amis de Bourbonne, de Diderot, une phrase admirable : « Ils s’aimaient comme on existe, comme on vit, sans s’en douter. »
N’aie pas peur pendant les alertes. Tu ne risques rien. Aime ta jeunesse comme j’aime la mienne. C’est le Grand Pouvoir.
Nous t’embrassons mille fois.
Paul E.
– Robert Valette, Choix de lettres à sa fille (1932-1949). Revue Europe N° spécial Paul Eluard- Novembre- Décembre 1962 p 32