Exposition du 2 juillet au 15 novembre 2016 au Musée Zervos

Commissaire de l’exposition : Christian Derouet

L’exposition « Paul Eluard et Cahier d’Art » juxtapose un lot de lettres autographes adressées par le poète aux Zervos, de poèmes et de textes recopiés qui ont été utilisés ou non dans la revue, de publications dédicacées, de photographies.

Ces éléments apportent un témoignage émouvant et inédit sur les fastes de la revue « Cahiers d’Art » de 1935 à 1946, soit de l’éviction des surréalistes des Comités intellectuels de la Défense de la Culture à Paris, à la mort de Nusch Eluard, le 28 novembre 1946.

Ces pièces présentées proviennent toutes d’une même collection particulière. Elles sont sur les murs et dans les vitrines de la Maison du jardinier, juxtaposées avec des éléments épars du legs Zervos. Ce fonds Eluard, essentiel à la mémoire de la revue « Cahiers d’Art », constituerait une acquisition identitaire pour le musée Zervos.

Présentée dans la Maison du jardinier et complétée par des prêts exceptionnels dans le logis principal du musée, le visiteur sera guidé dans sa découverte de l’exposition temporaire « Paul Eluard et Cahiers d’Art » par un logo apposé sur les différents cartels concernés.

Le nom de Christian Zervos (1889-1970) sera pour toujours lié à la revue « Cahiers d´Art », qu’il créa en 1926 et qu’il dirigea jusqu’en 1960. Les divers sujets traités dans la revue couvraient essentiellement deux pôles : les arts archaïques et primitifs/les arts modernes et contemporains. L’originalité de sa revue consistait aussi dans le mélange des articles de critique d’art et de textes plus littéraires (poétiques surtout). La typographie enfin servait l’ensemble, chaque numéro constituant une sorte « d’organisme vivant ».

L’extrême soin que Zervos apportait à la qualité des photos noir et blanc permit à la revue de faire connaître dans les ateliers du monde entier l’art réalisé à Paris et plus largement en Europe. Certains des reportages photographiques commandés par Zervos sont même devenus célèbres, tel celui de Marc Vaux dans l’atelier de Giacometti en 1932 ou celui de Dora Maar montrant l’évolution au jour le jour de Guernica dans l’atelier de Picasso. Parfois aussi, les numéros prirent la forme de véritables dossiers iconographiques : celui de 1948 sur Picasso et la céramique comporte plus de 400 reproductions… Zervos par ailleurs préparait et éditait peu à peu le catalogue raisonné de l’œuvre de Picasso – ce qui le plongea plusieurs fois dans de graves difficultés financières.

L’ouverture de la revue aux écrivains devint de plus en plus importante. Zervos publia de nombreux textes remarquables de Tzara, Beckett, Antonin Artaud, Georges Bataille, Maurice Blanchot, André Breton, Jacques Dupin, Michel Leiris, Francis Ponge, etc. Mais les deux écrivains le plus souvent associés à la revue furent Paul Eluard et René Char. L’un, puis l’autre, jouèrent auprès de Zervos le rôle de véritables conseillers littéraires. Eluard dans les années 35-40 et Char dans la décennie 45-55.

L’exposition qui ouvre ce mois-ci au musée de Vézelay se propose de mettre en lumière la richesse de la collaboration entre Christian Zervos et Paul Eluard, à travers la collection personnelle de Zervos et les sujets traités dans la revue, mais aussi son activité d’éditeur  – par exemple de La barre d’appui de Paul Eluard en 1936 (avec trois eaux-fortes de Picasso).

La femme de Zervos, Yvonne, avait quant à elle ouvert une galerie dans les locaux de la revue au 14 rue du Dragon dans le sixième arrondissement à Paris. Elle y présentait des expositions de première importance et aussi des meubles de designers. En 1939 elle ouvrit un espace un peu plus grand rue Bonaparte.

Au moment de la guerre d’Espagne, les Zervos embrassèrent la cause défendue par Eluard. À l’été 40 ils cessèrent leurs activités et se replièrent à Vézelay où ils avaient acheté en 1937 une petite maison qu’ils avaient agrandie et rénovée. Il s’engagèrent progressivement dans la Résistance et durant cette période abritèrent notamment, aussi bien à Paris, dans leur appartement de la rue du Bac, qu’à Vézelay, Paul et Nusch Eluard.

À la Libération, Yvonne Zervos organisa une exposition itinérante en faveur des révolutionnaires grecs (poèmes de Char et d’Eluard), tandis qu’Eluard partait lui sur le terrain, à dos d’âne, dans les montagnes grecques, pour parler aux insurgés.